Aussi loin que je me souvienne, la mère de mon père a été distante avec moi.
Lorsque j'étais enfant, je me disais que c'était parce qu'elle n'avait eu que des fils (mon père et son frère aîné) et que finalement peut-être, elle ne savait pas comment faire avec son premier petit-enfant, une fille, moi... et que cela était difficile pour elle d'appréhender des relations quelques peu différentes...
Ensuite, un deuxième petit-enfant est né, cette fois-ci un garçon... enfant de son fils aîné...
Malheureusement, mon cousin a eu une naissance difficile, enfant déclaré mort né, avec un médecin trop zélé, qui a souhaité le ré-animer coûte que coûte...
Mais à quel prix... mon cousin est handicapé mental et moteur...
Puis..., mon frère est arrivé... Nous avons 4 ans et demi de différence, et là... la mère de mon père a pu assumer son rôle de grand-mère... d'une façon qui m'a toujours étonnée... Ce n'était pas une grand-mère "ordinaire"... Avec elle, on ne faisait pas de gâteau, elle ne jouait pas avec nous, ne nous apprenait pas les choses de la vie, ne nous faisait pas de câlin...
Elle appartenait à la petite bourgeoisie parisienne... et peut-être que montrer trop ses sentiments... ça ne se faisait pas...
Par contre, elle n'oubliait jamais de nous donner quelques billets trop nombreux pour des enfants de notre âge, pour Noël ou nos anniversaires.
Ce dont, je me souviens d'elle, c'est surtout de la différence qu'elle faisait entre mon frère et moi.
"Val., tu dois aider à mettre la table, débarrasser, nous aider ta mère et moi à faire la cuisine, passer un coup de balai...". Pendant que mon frère faisait l'andouille ou se prélassait sur le canapé.
Bien sûr, ma mère veillait au grain et ne laissait pas ces différences s'installer et prendre forme... Elle imposait les règles qui existaient à la maison : fille ou garçon... tout le monde mettait la main à la pâte...
Et puis, je suis devenue adolescente... j'ai fait ma crise comme toutes les ados....
J'étais en opposition constante avec mon père... pour tout et pour rien... des broutilles... mais à l'époque, et avec moi, tout finissait en dispute...
Jusqu'au jour, où poussé à bout par une énième de mes crises, lorsque j'avais 14 ans, mon père a sans le vouloir... révéler le secret de notre famille... en voulant me faire taire, il m'a lancé, la phrase qu'il a aussitôt regrettée... "De toute façon, tu me parles pas comme ça, je suis pas ton père...".
Tout d'abord mon monde s'est écroulé...
Puis, petit à petit, il s'est reconstruit... pour me permettre de devenir l'adulte que je suis aujourd'hui...
Des choses s'expliquaient... et puis encore d'autres... des questions sont restées sans réponse... d'autres non...
Et puis... j'ai commencé à me demander, si finalement cette femme, la mère de mon père, avait du mal avec moi, non pas parce que j'étais une fille... mais parce que je n'étais pas la fille de son fils...
Nous n'en avons jamais parlé...
Dès que j'ai su pour moi... j'ai pris un peu de distance par rapport à elle. Et puis, j'étais ado. je préférais voir mes amis, ma famille plus proche, que cette femme.
Et puis, son mari (mon grand-père) est mort, puis son fils aîné...
Ma fille est arrivée... première petite-fille de la famille... première arrière petite-fille...
Avec Mr Ex., nous avons repris contact avec elle.
J'ai d'abord communiqué avec elle par lettre, et puis elle nous a invités pour Pâques afin que nous puissions lui présenter ma fille (ma belle métis...). Comme les arrières grand-mères peuvent le faire, elle ne lui a pas offert une jolie tenue choisie avec amour, ni une peluche..., mais du chocolat et un chèque (ma fille avait 1 an).
Nous nous sommes revus une autre fois, sans qu'elle demande jamais si Grande-Miss changeait, si elle grandissait bien..., si nous étions heureux dans notre vie de famille, et de nouveau elle nous a donné un chèque pour acheter un cadeau à Grande-Miss et quelque chose pour nous...
Nos contacts se sont de nouveau espacés.
Mon père (son fils cadet) est mort, il y a 10 ans cette année.
Elle n'est pas venue à son enterrement, ni jamais sur sa tombe..., n'a jamais passé un coup de fil à ma mère pour parler ou tout simplement pleurer avec elle.
A partir de ce moment là, ma mère et moi n'avons plus repris contact avec elle.
Je ne peux pas dire que mon frère ait été plus proche... même si dans son enfance, il fut bien plus gâté par cette femme.
Mais elle n'a jamais rien su de nos vies d'adultes, n'est jamais venu dans nos maisons, n'a pas connu nos enfants, ni assister aux baptêmes, mariages, fêtes de Noël, fêtes de famille..., au mieux elle s'excusait et envoyait un chèque.
Cette année, en Mars, elle est morte...
Je n'étais pas triste...
Mais aujourd'hui je suis triste, parce qu'elle m'a reniée... et renié par là-même le fait que son fils ait été mon père...
En rentrant de vacances, fin Avril, une lettre du notaire m'attendait... la copie de son testament, dans lequel elle écrit noir sur blanc et de sa main, qu'elle "lègue la totalité de ses biens à ses deux petits enfants" et pour que je comprenne bien, elle les nomme avec leur prénom et leur nom : "Petit-fils n°1" (mon cousin) "et Petit-Fils n°2" (mon frère), alors que je porte le même nom qu'eux, celui dont mon père m'a fait cadeau lorsque j'avais 3 ans et demi.
Lorsque j'ai lu ça, j'ai pensé à mon père, à sa façon d'être mon père, qui n'avait rien de différente à la façon dont il a été un père pour mon frère... et j'ai pleuré... J'ai pleuré parce que mon père nous a élevé mon frère et moi comme frère et soeur... a fait de nous les adultes que nous sommes aujourd'hui en nous donnant à chacun la même part de lui-même, sans différence aucune et jamais...
Lorsque ma fille est née, c'était sa première petite-fille comme cela aurait pu l'être si elle avait été la fille de mon frère. Pas de différence...
Juste un père, une mère et leurs deux enfants... à l'image de beaucoup d'autres familles...
Maintenant c'est trop tard... nous ne pourrons pas en parler toutes les deux... ni essayer de comprendre "pourquoi"...
Maintenant, il faut me juste avancer, surmonter à nouveau... et vivre avec...